La dissociation : un mécanisme de survie… ou le signe d’une libération en cours

Il arrive parfois de se sentir là sans vraiment y être.
D'agir machinalement, comme en pilote automatique.
De vivre un moment, une journée, voire une période entière, dans un brouillard étrange, comme détaché de soi-même ou de ce qui nous entoure.
Ce phénomène porte un nom : la dissociation.
Et si elle est souvent mal comprise ou inquiétante pour ceux qui la vivent, elle a pourtant un sens profond, à la fois protecteur, mais aussi parfois révélateur d'un changement intérieur en cours.
Qu'est-ce que la dissociation ?
La dissociation est un mécanisme de défense psychique.
Lorsqu'une situation devient trop intense ou trop douloureuse à vivre consciemment, notre système nerveux peut se déconnecter de tout ou partie de l'expérience, afin de nous en protéger.
Cette réponse peut être ponctuelle et bénigne (comme lorsqu'on « décroche » quelques instants lors d'une conversation ou en conduisant), mais elle peut aussi être plus profonde et durable, notamment chez les personnes ayant vécu des traumatismes.
Comment se manifeste-t-elle ?
La dissociation peut prendre différentes formes :
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Une impression d'être "à côté de soi", comme si l'on observait sa vie de l'extérieur (dépersonnalisation)
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Un sentiment que le monde est flou, irréel, lointain (déréalisation)
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Des trous de mémoire, parfois sur des événements marquants (amnésie dissociative)
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Une sensation d'anesthésie émotionnelle ou corporelle, comme si tout était engourdi
Ces expériences peuvent être déstabilisantes, surtout lorsqu'elles s'installent dans la durée ou surviennent sans raison apparente. Pourtant, elles ont une logique : celle de nous permettre de continuer à fonctionner malgré une surcharge émotionnelle.
Une stratégie de survie
La dissociation n'est pas un dysfonctionnement. C'est une réaction adaptative.
Face à une douleur trop intense, à un traumatisme ou à un stress chronique, le psychisme "décroche" pour continuer à exister.
C'est une manière de préserver ce qui peut l'être, quand il n'est plus possible de faire autrement.
Ce mécanisme est particulièrement fréquent chez les personnes ayant subi des violences, des abus, des abandons, ou des événements marquants non digérés émotionnellement.
Et si la dissociation marquait un tournant ?
La dissociation n'est pas toujours un signal de blocage.
Dans certains contextes, elle peut aussi être le signe subtil qu'un changement profond est en train de se produire.
- En thérapie, il n'est pas rare qu'un épisode dissociatif survienne juste avant un déclic important. Comme si l'esprit, en train de lâcher un ancien repère, flottait un instant entre deux états.
- En hypnose, ces instants de "vide" ou de déconnexion peuvent représenter un espace fertile, un sas entre deux couches du vécu, où le mental lâche prise pour laisser émerger une autre forme de compréhension.
- Dans la vie quotidienne, cela peut arriver après une prise de conscience marquante : un moment où l'on réalise quelque chose de fondamental sur soi, sur une relation, sur son histoire. Le système interne a besoin d'un temps d'ajustement. La dissociation devient alors une forme de transition.
Ces moments peuvent sembler flous ou inconfortables sur le moment, mais ils peuvent aussi être le signe qu'un processus de réorganisation intérieure est à l'œuvre.
Comment réagir face à un épisode dissociatif ?
Plutôt que de chercher à tout prix à "rester présent", il peut être plus aidant de :
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Accueillir ce qui se passe sans jugement, sans lutte
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Se recentrer sur le corps : respirer profondément, marcher, toucher un objet rassurant
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Exprimer ce que l'on ressent : en parler, l'écrire, mettre des mots, même flous
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Se faire accompagner : pour comprendre, réguler, et intégrer ce qui demande à émerger
Conclusion
La dissociation n'est ni un bug, ni une faiblesse.
C'est un mécanisme de protection, parfois ancien, parfois transitoire.
Elle peut être le signe d'un traumatisme non digéré, mais aussi celui d'un processus de guérison déjà en marche.
Il ne s'agit pas de la combattre, mais de l'écouter.
De lui faire une place, le temps que l'on réintègre en soi ce qui avait été mis à distance.
Car bien souvent, derrière ces moments de flottement, quelque chose en nous cherche à se réparer, à se libérer, à renaître.